Mai 2024

Loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SERN) du 21 mai 2024

La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (JORF 22 mai 2024, Texte n°2)dite Loi SERN – est venue à plusieurs endroits concerner le droit de la consommation. Ce texte adapte le cadre législatif français à l'application du règlement sur les services numériques (Digital Services Act - DSA) et du règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA), notamment en désignant les autorités de contrôle compétentes pour faire appliquer ces textes européens. En second lieu, la loi SERN institue des mesures nationales pour garantir un espace numérique plus sûr pour les internautes et plus équitable pour les entreprises françaises numériques.

→ L'article 52 de la Loi SERN modifie en effet le Code de la consommation.

C’est d’abord l'article liminaire du Code de la consommation, qui est concerné à raison de la modification de la définition de la plateforme en ligne (15°) et de l’ajout de celles du moteur de recherche en ligne et du comparateur en ligne (16° et 17°), comme suit :

- « Plateforme en ligne : une plateforme en ligne au sens du i de l'article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché intérieur des services numériques et modifiant la directive 2000/31/ CE (règlement sur les services numériques). »
- « Moteur de recherche en ligne : un moteur de recherche en ligne au sens du j de l'article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité. »
- « Comparateur en ligne : tout service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d'informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels. »

→ L'article L.111-7 du Code de la consommation relatif à la loyauté des plateformes est également modifié par la loi SERN pour correspondre aux dispositions et vocabulaires des deux règlements européens. La notion d’« opérateur de plateforme » disparaît de même que la distinction, qui figurait dans l’article L. 111-7, 1, entre les opérateurs proposant un classement ou un référencement de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers (en d’autres termes des moteurs de recherche, agrégateurs ou comparateurs de prix) et les opérateurs proposant une mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ou de partages de contenus informationnels (en d’autres termes les plateformes de consommation collaborative, marketplaces et les plateformes de partage de vidéos, réseaux sociaux). C’est désormais le « fournisseur de place de marché en ligne ou de comparateur en ligne » qui sont tenus de délivrer au consommateur une information loyale dont le contenu, posé par la loi pour une République Numérique subsiste.


L’article L. 111-7-1 qui renforçait le devoir de loyauté pour pour les plateformes en ligne d’un certain poids économique en leur imposant une autorégulation (diffusion de bonnes pratiques) est abrogé.

L’article 52 de la loi SREN créé en outre un nouveau chapitre dédié aux sanctions des obligations des fournisseurs de plateformes en ligne.

Le nouvel article L133-1 du Code de la consommation reprend les sanctions prévues par le DSA, à savoir des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans ; et des amendes jusqu'à 6% du chiffre d’affaires mondial hors taxes, notamment en cas de manquement aux obligation de loyauté (interdiction des Dark patterns), de sécurité (ex. produits licites et procédure de reprise et d'information des consommateurs en cas de produit dangereux) et de transparence (ex. identification des ventes, prix clair, modalités de paiement, délai de livraison, etc.). En complément, les très grandes plateformes (plus de 45 millions d’utilisateurs actifs dans l’UE) se voient imposer des obligations renforcées : atténuation des risques systémiques posés par leurs plateformes, audit indépendant, ou encore accessibilité pendant un an à l’intégralité des publicités diffusées, afin de permettre leur analyse. Il est complété par les articles L133-2 et L133-3. Le premier dote l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation d'un pouvoir d'enjoindre à l'auteur des pratiques de se mettre en conformité après avis au procureur de la République. Le juge peut assortir son injonction d'une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 5 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes journalier moyen réalisé par le fournisseur de services concerné au cours du dernier exercice clos. Le second article dispose que les personnes physiques coupables des délits punis à l'article L. 133-1 encourent également, à titre de peine complémentaire, et pour cinq ans maximum, l'interdiction, suivant les modalités prévues à l'article 131-27 du code pénal, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale


S’agissant du DSA, la DGCCRF est désormais chargée de veiller à la mise en œuvre du règlement par les places de marché (marketplaces) établies en France, en coopération étroite avec l’ARCOM et la CNIL, qui sont également désignées autorités de contrôle dans leur domaine de compétence, avec un rôle de coordination pour l’ARCOM.

Le Chapitre du Code de la consommation sur le pouvoir d'enquête des autorités de contrôles (article L.512-1 à L.512-68) est également complété par une section 5 consacrées aux dispositions spécifiques aux plateformes.


Dans le cadre du DMA, les acteurs du numérique fournissant des services de plateforme essentiels et ayant un poids important sur le marché européen peuvent être désignés par la Commission européenne comme « contrôleurs d’accès ». Dans ce cas, ils doivent respecter un certain nombre d'obligations et d’interdictions afin de garantir la contestabilité et l'équité des marchés numériques concernés. Au terme de la loi SERN, la DGCCRF pourra, à la demande de la Commission, contribuer à des enquêtes communautaires. En outre, la DGCCRF a la possibilité d’engager des investigations de sa propre initiative concernant de potentielles non-conformités au règlement pour lesquelles la Commission européenne n’engagerait pas elle-même d’enquête et en coordination avec elle.

Dans un dessein de coordination européenne dans le renseignement et l'investigation, la DGCCRF se trouve également associée réseau européen de concurrence (REC) dont le but est d'assurer l'harmonisation des contrôles au sein de l'Union en permettant de recevoir des renseignements et de coopérer avec la Commission. Elle siège conjointement avec l'Autorité de la concurrence au comité consultatif en matière de marchés numériques (DMAC) présidé par la Commission. Elle participe encore en tant qu’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation aux travaux menés par le réseau européen de contrôle de la protection des consommateurs (CPC) notamment lors des réunions du « groupe de haut niveau » créé par l’article 40 du DMA.

La loi SERN institue également un réseau national de coordination de la régulation des services numériques, pour assurer une vision globale et cohérente de la régulation. Composé de l’ensemble des autorités administratives compétentes (ARCOM, CNIL, ARCEP …) et des principaux services de l’État (ex. Pharos), dont la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Direction générale des entreprises (DGE), ce réseau piloté par la DGE sera chargé de renforcer les coopérations multilatérales afin de permettre une meilleure articulation des régulations du numérique entre elles.

La loi SREN apporte également une modification du régime de responsabilité des hébergeurs prévu à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

→ À titre divers, la Loi SERN prévoit encore :

  - Le plafonnement à un an des « crédits cloud » (avoirs commerciaux) pour les services infonuagiques. Le texte consacre un chapitre entier visant à réguler le marché de l’informatique en nuage. Il est notamment prévu à la charge de ces fournisseurs une limitation des frais de transfert de données et de changement de fournisseur, ainsi qu’une obligation d’information de leurs clients. La loi prévoit également une obligation d’interopérabilité des services infonuagiques.
- L'institution d'un intermédiaire entre les plateformes en ligne de locations touristiques meublées et les communes. L' « API meublés » sera généralisée afin de centraliser toutes les données nécessaires et faire respecter la réglementation limitant la location de résidences principales. Un système d'alerte est prévu mais un décret doit encore intervenir pour en préciser les modalités.
- La réglementation des JONUM (jeux à objets numériques monétisables)

S'agissant de l'entrée en vigueur du texte, toutes les mesures d'adaptation du droit national au DMA et au DSA entrent en vigueur dès le 17 février 2024.
Charte Origin'info

À partir du deuxième semestre 2024, un nouveau logo destiné à informer les consommateurs sur l’origine des produits alimentaires transformés apparaîtra dans les rayons de nos supermarchés : « Origin'info ».

Un avis émis par le Conseil national de la consommation le 20 septembre 2021 recommandait de renforcer les dispositifs d’indication de l’origine des produits alimentaires, afin que cette information soit plus claire et compréhensible pour les consommateurs, sans les induire en erreur. Une phase de consultation de deux mois a été mise en place le 13 mars 2024 à Bercy pour établir un cahier des charges ainsi qu’un logo pour le dispositif Origin’Info. Différents acteurs du secteur agro-alimentaire y ont participé avec l'appui du ministère délégué chargé des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation.

Actuellement, ce sont principalement les produits alimentaires non transformés qui font l’objet d’une information obligatoire sur l’origine géographique (viandes, poissons, fruits et légumes, miel, etc.). L’idée est ainsi d’étendre l’information sur l’origine et de la rendre plus transparente pour les produits transformés (pizzas surgelées, plats préparés, yaourts aromatisés aux fruits…). Cette démarche permettra également de lutter contre l’usage parfois abusif du drapeau français, alors qu’aucun ingrédient du produit ne vient de France. À cet égard, l’adhérent « Origin'info » s’engage à n'utiliser un drapeau français pour caractériser l’origine d’une denrée ou d’une étape de fabrication de celle-ci (ex : fabriqué en France, cuisiné en France) que lorsque l’ingrédient primaire de cette denrée est bien français, en allant jusqu’à la matière première agricole. L'adhérent à la démarche s’engage parallèlement à maintenir l’usage des logos valorisant l’origine dans le cadre de démarches collectives de filières (ex. logos portés par l’APAF tels que « légumes de France »).

La démarche « Origin'info » repose sur une démarche volontaire des producteurs. Elle est ouverte à tout fabricant de produits vendus sous sa propre marque ou pour le cas des produits vendus sous une marque de distributeur, aux enseignes de distribution qui les font fabriquer, quelle que soit leur nationalité ou les lieux de fabrication ou d’assemblage de ces produits. L'adhérent à la démarche « Origin’Info » conserve la possibilité d’en sortir à tout moment, à condition de ne plus s’en prévaloir.

La certification est bien distincte des règles d’indication de l’origine des ingrédients primaires telles qu’elles découlent de l’article 26§3 du règlement INCO. Tandis que le règlement INCO rend obligatoire l’indication du pays d’origine (France, Allemagne…) ou du lieu de provenance (UE, Asie…) des ingrédients primaires, la présente démarche vise à renseigner de manière volontaire le consommateur sur l’origine de la matière première agricole des ingrédients primaires (ex. Blé ayant servi à faire la farine, tomates pour la sauce tomate d'un plat préparé, etc.) sans empêcher la communication sur l’origine des ingrédients primaires ou de la denrée, dans le respect des règles européennes en vigueur.

La notion de matière première agricole est ainsi entendue au sens des produits issus de la production primaire du point 17) de l’article 3 du règlement n°178/2002. Celle d'ingrédient primaire au sens de l'article 2§2 q) du règlement INCO. Les ingrédients suivants ne sont cependant pas considérés comme des ingrédients primaires dans le cadre de la Charte : les ingrédients utilisés à faible dose à des fins d’aromatisation ; les améliorants des denrées alimentaires (additifs alimentaires, arômes, enzymes) ; les vitamines, minéraux et substances apparentées, y compris le sel ; ainsi que les liquides de couverture.

La liste des matières premières agricoles pour lesquelles l’origine est donnée suit l’ordre décroissant pondéral des ingrédients primaires tels qu’ils sont affichés dans la liste des ingrédients de la denrée alimentaire.

Le logo « Origin'info » se matérialisera sous trois formes alternatives :

  • une princeps, avec une liste des principales matières agricoles du produit et leur pays d'origine ;
  • une forme plus développée où s’ajoutera à cette liste une indication du lieu où le produit a été transformé sous la forme graphique d'une petite usine ;
  • une dernière complétée par un diagramme circulaire représentant la part relative de chaque pays dans la composition du produit.

Lorsque la notion d’origine est mobilisée, elle recouvre indistinctement le pays d’origine ou le lieu de provenance. Si le lieu de provenance est celui dont provient la denrée alimentaire transformée, l’ingrédient primaire ou la matière première agricole, mais qui n’est pas le « pays d’origine » tel que défini conformément à l’article 60 du règlement n° 952/2013 établissant le code des douanes de l’Union ; le pays d'origine est compris tel que défini conformément à l’article 60 du règlement n° 952/2013 établissant le code des douanes de l’Union. Celle de transformation est entendue telle que définie à l’article 2§1 m) du règlement n° 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires. De plus, dans le cadre de ce document, on entend aussi par transformation toute transformation ou ouvraison substantielle au sens de l’article 60 du règlement n° 952/2013 établissant le code des douanes de l’Union, conduisant à conférer son origine à la denrée issue de cette transformation.

Sur les pays de référence, dans le cadre du dispositif Origin’Info, les marques ne pourront pas indiquer une origine supranationale (par exemple « Union européenne »), sauf si le nombre de pays d’origine est supérieur ou égal à quatre. L’origine supranationale indiquée devra alors être une zone géographique identifiable, par exemple un continent.

Le logo « Origin'info » s’inscrira soit :
  • directement sur l’emballage du produit, avec l'apposition du logo idoine dans un des trois formats ;
  • soit sous la forme d'une étiquette électronique en rayon ou d'un affichage adapté sur le site en ligne de vente ;
  • soit enfin sous la forme d'un QR Code scannable.

82 marques dont 13 enseignes à titre expérimental avant un premier bilan au premier semestre 2025. de la grande distribution ont pour l'heure adhéré à la charte du dispositif introduit


Afin de rendre visible la démarche volontaire auprès des consommateurs, l’adhérent à la Charte « Origin'info » s’engage à l'appliquer pour au moins l’une de ses catégories ou gammes de produits ou encore l’une de ses marques filles, pour une mise en œuvre prioritaire pour les denrées alimentaires transformées qui ont des ingrédients primaires issus des matières premières agricoles suivantes : viande, lait, fruits ou légumes.

La mise en œuvre de la démarche peut cependant être progressive pour tenir compte des développements informatiques, des délais d’impression des étiquettes et de l’écoulement des stocks. Le logo « Origin’Info » pourrait en tout cas apparaître sur l’emballage de plus de 10 000 références alimentaires d’ici fin 2024.

Le ministre chargé de l'économie s'est engagé dans intervalle à saisir l’Autorité de la concurrence afin de confirmer que la charte « Origin'info » ne comporte pas de clause anticoncurrentielle.