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Juin 2023 (1/2)
- Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
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Le 1er juin 2023, le Sénat a définitivement adopté, à l'unanimité, la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux déposée le 31 janvier 2023 à l'issue de la procédure accélérée engagée par le gouvernement le 22 mars 2023. Le texte amendé a été promulgué et publié au JORF le 10 juin (JORF n°0133, Texte n° 1). La France est ainsi le premier pays à légiférer en la matière en Europe.
Le parlement estime à quelque 150 000 le nombre d'influenceurs actifs en France, avec des niveaux d’audience très variés, mais touchant essentiellement les 15-25 ans. Seule une minorité d'entre eux, très visible, recourt à des pratiques abusives ou à des escroqueries, mais qui ont des conséquences dévastatrices pour leurs abonnés victimes. Pour les députés, ces pratiques nuisent à l'immense majorité des influenceurs et des créateurs de contenus qui respectent les règles. Selon Bruno le Maire, par l'adoption de cette loi, « ce n’est pas un combat contre les influenceurs. C’est un combat pour faire de l’influence un vrai métier, avec des droits et des devoirs, reconnus de tous ».
L'objectif du texte est ainsi de protéger les influenceurs comme les consommateurs sur les réseaux sociaux, particulièrement les plus jeunes, et mieux lutter contre certaines dérives et arnaques constatées (incitation à faire des régimes alimentaires dangereux, de la chirurgie esthétique, des paris excessifs, promotion de contrefaçons, etc.), ce, dans un contexte d'accélération des sanctions par la DGCCRF. En outre, le 24 mars 2023, le ministre de l'économie avait annoncé la création d'une brigade de quinze agents dédiée à l'influence commerciale. Les associations de victimes de l’influence sont associées en tant que « signaleurs de confiance », dont les plaintes sont traitées en priorité par cette première. Le Ministère avait publié au printemps 2023 un « Guide de bonne conduite » à destination des influenceurs et créateurs de contenus, mis à jour suite à l'adoption de la présente loi. Ce guide d’une vingtaine de pages traite des droits des influenceurs et de leurs obligations fiscales, sociales et règlementaires. L'ARPP, partenaire fondateur de la Chaire droit de la consommation, qui avait été consultée pour l’élaboration de ce guide, a également créé une formation certifiante de l'influenceur responsable.
Le texte de loi repose sur deux piliers : l'accompagnement de l'influenceur et la protection du consommateur, dans le sillage du cadrage posé par Bercy en mars 2023.- Au titre du premier, l'exécutif estimait nécessaires : la création d’une définition juridique de l’activité d’influence commerciale et de l’agent d’influenceur ; l’instauration de l’obligation d’un contrat écrit entre les marques, les agences et les influenceurs à partir d’un certain montant ; la mise en place d’un « guide de bonne conduite » ; l'obligation d'information sur les paternariats/contenus rémunérés/placement de produits ; la création des « Assises de l’influence responsable » annuelles ; la « valorisation d’une influence responsable » et l’application aux influenceurs mineurs du régime des enfants mannequins.
- Quant à la protection des consommateurs, outre la création d’une brigade dédiée, Bercy insistait sur l’obligation de transparence des photos, des vidéos retouchées et des représentations d’une silhouette ou d’un visage produit par l’intelligence artificielle ; l’interdiction de la promotion de certains biens, services ou causes ; des obligations de transparence et de responsabilité en cas de pratique de la livraison directe (« dropshipping ») ; l'engagement de la responsabilité des plateformes et des obligations de retirement sur signalement ; l'obligation pour les influenceurs installés à l’étranger de nommer un représentant légal en France et de contracter une assurance en cas de dommages ; et la mise en place de sanctions renforcées et graduées, avec de nouvelles peines d'interdiction d'exercer son activité et des pouvoirs d’injonction des autorités de surveillance.
Ce cadrage se retrouve dans le texte adopté ce mois par le Parlement et s'intéresse à la fois aux acteurs de l'influence, à la nature de leur contenu et leur propos, et renforce les contrôles et sanctions.
=> S'agissant des acteurs de l'influence :
Il n’existait pas jusqu’à présent de définition légale de l’influenceur ou du créateur de contenu en ligne et de son activité. Ce flou conduisait par exemple à utiliser les statuts de mannequin ou de sportif sans cohérence avec les exigences de cette nouvelle activité. Une définition constitue en outre un préalable indispensable à la détermination de règles particulières visant à encadrer la pratique des influenceurs.
L'article 1er de la loi définit donc tout d'abord les influenceurs comme « Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement , de biens, de services ou d'une cause quelconque déployer l'activité d'influence commerciale par voie électronique ».
L'activité d'agent d'influenceurs, qui met ceux-ci en relation avec les marques, est également définie à l'article 2, et qui consiste « à titre onéreux, à représenter les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influenceur définie dans la loi, avec des personnes physiques ou morales sollicitant leur service, et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, par voie électronique, des biens, des services ou une cause quelconque ». L’instauration d’une définition de leur activité permet là aussi de délimiter le périmètre des règles qui leur sont applicables, notamment leurs obligations à l’égard des annonceurs gestionnaires de marques et des influenceurs, ainsi que leur coresponsabilité lorsque ces agences conduisent l’influenceur à porter atteinte à un tiers dans l’exécution du contrat qu’elles lui ont proposé.
Le texte se saisit en outre des liens juridiques existants entre ces différents acteurs (art. 7, 8 et 9). Les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs devront ainsi obligatoirement passer des contrats écrits au-delà d'un certain seuil de rémunération ou d'avantages en nature qui sera défini par décret. Ce formalisme permettra au micro-influenceur de garantir ses droits, notamment en matière de rémunération et de propriété intellectuelle ; de justifier de l'existence d'un contrat ; et permettra aux autorités de contrôler et déterminer les responsabilités de chacun dans une opération.
Ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires, notamment les missions confiées, les conditions de rémunération, et la soumission au droit français dès lors que sont visés des abonnés en France. Bercy assure que « pour les petites structures et les micro-influenceurs, la forme de cet engagement sera très libre et minimal, laissant une grande liberté dès lors que les clauses et mentions obligatoires apparaissent ».
Afin d'assurer l'indemnisation d'éventuelles victimes, les parlementaires ont également introduit le principe d'une responsabilité solidaire entre l'annonceur, l'influenceur et son agent pour les dommages subis par les tiers dans l'exécution du contrat d'influence commerciale qui les lie.
La loi rappelle également le cadre juridique applicable à la promotion de produits ou services (article 3) en posant une équipollence d'application de la loi entre l'influence commerciale par voie électronique et les activités classiques de promotion et de publicité.
De plus, les influenceurs résidant à l'étranger hors Europe ont désormais l'obligation de désigner un représentant légal dans l'Union Européenne qui répondra d'eux, et de souscrire une assurance civile dans l'Union dès lors qu'ils visent un public en France.
Des mesures spécifiques viennent également protéger les enfants influenceurs. Les règles sur le travail des enfants Youtubeurs sur les plateformes de partage de vidéos fixées par la loi du 19 octobre 2020 sont étendues à toutes les plateformes en ligne, et notamment aux réseaux sociaux. Désormais, pour les mineurs de moins de 16 ans dont l’image est utilisée pour les besoins de l’activité d’influence commerciale, il est nécessaire d’obtenir un agrément auprès des services de l’État et 90% des sommes perçues issues de l’influence commerciale doivent être consignées jusqu’à leur majorité. Pour les mineurs de plus de 16 ans non émancipés qui désirent être employés au service d’une entreprise exerçant une activité d’influence commerciale (pour être par exemple le contributeur principal à cette activité d’influence), leurs représentants légaux doivent a minima signer le contrat de travail du mineur.
Le texte renforce également les obligations des plateformes en ligne (art. 10, 11 et 12). Conformément au Règlement sur les services numériques/Digital Services Act (DSA) de 2022, elles devront proposer un bouton pour signaler les contenus illicites, traiter en priorité les notifications des signaleurs de confiance et retirer au plus vite ces contenus. Les plateformes doivent également créer des dispositifs clairs et lisibles pour afficher le caractère commercial d’une publication, établir des canaux de signalement clairs et lisibles à destination des internautes remarquant une illégalité. Elles engagent également leur responsabilité en cas d’inaction après un signalement ou une injonction des autorités. Un protocole d’engagements réciproques entre les plateformes et les autorités de surveillance fut enfin signé en juin 2023 et permet une meilleure collaboration pour repérer et sanctionner, de manière concertée, les fraudes signalées ou découvertes, via un comité de suivi dédié.
=> Sur la nature des contenus, les influenceurs devront indiquer clairement la mention « publicité » ou « collaboration commerciale » sur leurs contenus promotionnels. L'article 5 du texte fait à cet égard de l'absence d'indication de la véritable intention commerciale d'une communication une pratique commerciale trompeuse par omission. L'influenceur-trompeur encourt alors jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende (voire jusqu’à 7 ans en cas de circonstances aggravantes).
Les photos ou vidéos de visage ou de silhouette modifiées, notamment à l'aide de filtres, ou réalisées par intelligence artificielle devront également contenir la mention « images retouchées » ou « images virtuelles ».
=> Quant au fond des contenus, la proposition de loi, enrichie par les parlementaires, rappelle que les influenceurs doivent respecter le cadre légal sur la publicité et la promotion des biens et des services, notamment loi Evin (mais la promotion d’alcool n'est pas interdite), les normes de santé publique, et le Code de la consommation, S'agissant spécialement de ce dernier, le législateur n'a cité au titre des pratiques commerciales trompeuses que l'article L. 121-4 9° (art. 3). De plus, la loi vient interdire les publicités faisant la promotion : de la chirurgie et la médecine esthétique ; de certains produits et services financiers les plus risqués (notamment concernant les crypto-monnaies) ; de l’abstention thérapeutique ; des sachets de nicotine ou des abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs. La publicité impliquant des animaux sauvages est aussi interdite (sauf collaboration avec des zoos). La publicité des jeux d'argent et de hasard est encadrée afin de protéger les mineurs, de même que la promotion d'inscriptions à des formations professionnelles, notamment via le compte personnel de formation (CPF).
Plus spécifiquement, face aux nombreuses dérives constatées (dans la pratique du dropshipping ou « livraison directe » qui consiste à ce qu’un influenceur prenne uniquement en charge la commercialisation du produit et pas sa livraison, qui est, elle, réalisée par le fournisseur, l'article 6 est venu disposer que les influenceurs ont l'obligation de communiquer à l'acheteur les informations de l'article L. 221-5 du Code de la consommation ainsi que l'identité du fournisseur, et doivent s'assurer de la disponibilité des produits et de leur licéité. Les influenceurs sont rendus responsables de plein droit vis-à-vis des acheteurs en la matière.
=> S'agissant enfin des contrôles et sanctions, les influenceurs encourent une peine de prison et de fortes amendes (jusqu'à 300 000 euros) ainsi qu'une interdiction définitive ou provisoire d'exercer l'activité d'influenceur.
Les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en matière d'astreintes et de mises en demeure prononcées à l'encontre des influenceurs sont renforcés et permettent d’obliger l’influenceur à retirer son contenu illicite ou à se mettre en conformité sous peine d’une astreinte journalière pouvant atteindre 1% de son chiffre d’affaires.
Ce nouveau pouvoir vient compléter l’arsenal des autorités compétentes qui peuvent déjà ordonner aux prestataires du numérique, le retrait d’un contenu illicite en cas de non-respect d’une mesure d’injonction. D’autres sanctions peuvent être prononcées par l’autorité des marchés financiers (AMF) et l’autorité nationale des jeux (ANJ) selon leurs pouvoirs propres.
Les parlementaires ont enfin demandé (art. 17) au gouvernement un rapport d'évaluation de la loi dans les deux ans de sa publication ainsi que sur l'évolution des moyens de la DGCCRF en la matière. - Juin 2023 - Rapport 2022 du médiateur de l'Autorité des marchés financiers (AMF)
- Le médiateur de l’Autorité des marchés financiers (AMF)*, Madame Marielle Cohen-Branche, médiateur public référencé par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC) a publié son rapport annuel 2022.
Dans ce rapport de 68 pages, le médiateur dresse le bilan d’une année de forte activité. Le nombre de demandes de médiation reçues reste au niveau élevé de 2021. Le nombre d’avis rendus a quant à lui atteint un record : +30% par rapport à 2021 et un doublement par rapport à 2020. Le PEA, l’épargne salariale, les ordres de bourse et les crypto-actifs demeurent des thématiques de médiation très représentées dans les dossiers traités. Le rapport est également l’occasion pour le médiateur de formuler des recommandations à l’égard des professionnels.
Le rapport peut être consulté ICI et ICI
* Le médiateur de l'Autorité des Marchés Financiers est partenaire-fondateur de la Chaire Droit de la consommation https://chairedroitdelaconsommation.cyu.fr/fondateurs